THE ADEM UZUN AFFAIR / Le affaire Adem Uzun
In particular, the articles speak about the case of Mr Adem Uzun, a Kurdish politician recently arrested in France, and raise legitimate questions about his arrest.
Dans l’histoire contemporaine, les Kurdes ont souvent été utilisés comme monnaie d’échange pour satisfaire la raison d’Etat. L’exemple le plus important est représenté par la signature en 1923 du Traité de Lausanne, qui met fin à la reconnaissance légale des aspirations nationales légitimes kurdes, en échange de quelques concessions territoriales.
La France a joué à l’époque un rôle primordial contre les aspirations démocratiques du peuple kurde. Une histoire qui tente instamment à se répéter de nos jours. Il ne s’agit pas de conduire une guerre armée contre les Kurdes, mais de soutenir ouvertement les régimes qui répriment les revendications légitimes du peuple kurde. Donc, il suffit de répondre aux « ordres sécuritaires » donnés par la Turquie dans le cadre d’une plus moderne « lutte au terrorisme », étant la Turquie un pays « stratégique » et par conséquent « incontournable ». Quel que soit le motif, que ce soit des intérêts politiques et économiques avec Ankara ou une politique occidentale construite sur la non résolution pacifique du problème kurde, les « souhaits » exprimés à Ankara se transforment, en France ainsi que dans d’autres pays européens, en harcèlement politique et judiciaires constant contre la mouvance démocratique kurde, composée souvent de réfugiés politiques reconnus comme tels par la pertinente Convention de Genève ; en interpellations et arrestations tous azimuts des dirigeants politiques kurdes accusés d’appartenance à des organisations terroristes ; en surveillance politique des revendications légitimes des Kurdes, présentés – sans distinction aucune- comme « séparatistes » ou ennemis de l’ordre international «établi ».
Cette approche moderne de la répression politique « antikurde » se fonde sur un autre amalgame inacceptable : toutes les organisations politiques kurdes sont de près ou de loin liées au PKK, indépendamment de leur statut juridique pourtant garanti par les constitutions nationales. Par conséquent, elles sont toutes illégales ou illégitimes : le KNK, le DTK, le BDP, le KCK, le KONGRA GEL…
UNE ALLIANCE PLEINEMENT OPERATIONELLE
L’ensemble des associations kurdes œuvrant sur les territoires européens sont suspectes et à surveiller. La boucle est bouclée avec les accusations infondées de séparatisme : il suffirait de lire les documents politiques, y compris du PKK, pour se rendre compte que les Kurdes n’ont aucune revendication « séparatiste ». Bien au contraire, le mouvement prône une union démocratique et confédérale des peuples du Moyen-Orient. En outre, il n’y a jamais eu une hostilité du peuple envers les français, ni action violente du mouvement kurde contre les intérêts des pays européens, surtout pas une action « terroriste ». Il faut donc bien reconnaitre que c’est l’approche négationniste et « antikurde » de l’Etat turc qui empreigne l’action sécuritaire des gouvernements européens ; c’est bien Ankara qui détermine les grandes lignes de la politique antiterroriste sur les Kurdes à suivre en Europe, reste aux gouvernements européens d’agir en conséquence.
Ceci est particulièrement frappant dans le cas de la France. Malgré le processus de pourparlers entre les Kurdes et l’Etat turc pour régler ce problème centenaire dans le cadre de la démocratisation de la Turquie, il y a aujourd’hui en France une alliance pleinement opérationnelle entre ses services de sécurité, ceux de la justice antiterroriste et la Turquie qui fait des Kurdes le maillon faible des relations entre Etats ; on leur fait payer la relance des relations bilatérales, peu importe leurs aspirations démocratiques et la reconnaissance de leurs droits collectifs. Quelques exemples concrets ?
AFFAIRE ADEM UZUN
Le premier est « l’affaire Adem Uzun », dirigeant politique du Congrès National du Kurdistan (KNK), actuellement en prison à « La Santé » de Paris depuis 6 octobre 2012, en attendant d’un procès.
Adem Uzun est un des quatre représentants kurde qui, entre 2008 et 2011, ont activement participé aux dernières négociations directes et secrètes à Oslo, en Norvège, entre l’Etat turc et les Kurdes pour trouver une solution politique, non-violente et démocratique à leur conflit. Il a fait la navette entre plusieurs pays européens pour demander aux dirigeants politiques et parlementaires, de tout bord, de soutenir l’esprit du « processus d’Oslo », pour une solution négociée afin de parvenir à une paix juste et durable.
Au Parlement européen, à Bruxelles et à Strasbourg, il est bien connu pour être l’initiateur d’un cycle de conférences annuelles sur « L’Union européenne, la Turquie et les Kurdes » qui ont souvent réuni à la même table des hommes et des femmes politiques de bonne volonté européenne, turcs et kurdes – y compris de la Commission de Bruxelles ou d’autres institutions paneuropéennes- pour discuter de paix et réconciliation.
ECHEC DE LA POLITIQUE DE « TAMOULISATION »
A Oslo, dans le plus grand secret, il s’est réuni à plusieurs reprises avec un représentant personnel du Premier Ministre Erdogan, le chef en personne des services secrets turcs du MIT et d’autres émissaires d’Ankara. Difficile de dire que cet interlocuteur privilégié d’Erdogan soit un dangereux terroriste. Sauf qu’aux débuts 2011, après la révélation par la presse turque d’enregistrements sonores des réunions pourtant sensibles et secrètes, ces négociations ont été sabotées et que, pour garantir sa survie après le déclanchement du scandale qui lui a presque couté sa carrière politique, le Première Ministre Erdogan a décidé de reconstruire sa crédibilité aux yeux des nationalistes turc en doublant les efforts militaires contre les Kurdes en mettant en œuvre une « politique de tamulisation ». Sur l’exemple de ce que fit le gouvernement du Sri Lanka contre les Tamouls dans cette île de l’Océan Indien, cette politique prévoyait l’éradication militaire pure et simple de la résistance kurde. Stratégie politiquement illusoire et d’ailleurs militairement inutile, comme l’histoire récente c’est chargé de démontrer : élaborée pour « se faire pardonner » par ses concitoyens, elle aura pour Erdogan l’avantage de contribuer fortement à la victoire de l’AKP aux élections législatives du juin 2011, avec le 49,83% soufrages.
Avant d’arriver au processus de paix en cours qui s’est notamment concrétisé par le lancement du retrait des combattants du PKK, le 8 mai dernier, après l’appel historique du leader kurde emprisonné Abdullah Ocalan, le 21 mars dernier, il était de plus en plus avéré que, dans le cadre de cette « tamulisation » de la question kurde, un « ordre » est parti de Turquie pour anéantir la contrepartie politique et diplomatique kurde, notamment celle qui avait négocié à Oslo. Une mesure qui n’a pas été nécessairement impartie en termes formels par le gouvernement Erdogan, mais inspirée certainement par l’Etat profond turc, entendons par là l’ensemble des milieux kémalistes farouchement antikurdes, hors contrôle démocratique, qui agissent souvent, il faut bien le dire, sous l’œil bienveillant des autorités légales.
ACCUSATIONS FAUSSES ET FABRIQUEES
Au niveau international, les hostilités ont été lancées par la décision soudaine du 20 avril 2011 du Département du Trésor des Etats-Unis, sollicitée par Ankara, d’inscrire Adem Uzun, d’autres négociateurs kurdes d’Oslo ainsi que des responsables de « l’aile militaire kurde » dans une liste USA de grands trafiquants de drogue, sur la base d’accusations fausses et fabriquées –comme dénoncé par plusieurs dizaines de personnalisés et intellectuels, y compris américaines, dans une lettre ouverte au Président Barack Obama- qui proposaient savamment une amalgame entre direction militaire et politique, le but étant de délégitimer l’ensemble des dirigeants kurdes travaillants, notamment, en Europe.
C’est dans ce cadre qu’un attentat a été déjoué par les autorités belges de sécurité en 2011, à Bruxelles : il visait Zubeyr Aydar, un autre dirigeant et négociateur kurde à Oslo, ainsi que Remzi Kartal, Président du Congrès du Peuple du Kurdistan (Kongra-Gel), qui fait partie de l’Union des Communautés du Kurdistan (KCK) qui a pour objectif d’établir un « confédéralisme démocratique », proposé comme modèle pour résoudre le problème kurde au Moyen-Orient.
LE RÔLE DES SERVICES FRANÇAIS
Deux autres participants kurdes aux discussions d’Oslo ont préféré fuir l’Europe, craignant pour leur sécurité (il faut d’ailleurs noter que l’infiltration du jeune Ömer Güney dans le réseau kurde de Paris, qui aboutira à l’assassinat à Paris le 9 janvier 2013 de Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez, remonte à la même période. »
Concernant Adem Uzun, une opération sécuritaire a été montée par les services français pour procéder à son arrestation. L’histoire commence aux débuts 2012, avec une alerte transmise à Paris par les services turcs selon laquelle il essayait d’acheter des armes. M. Uzun était sous surveillance constante de plusieurs services européens de police et il n’a jamais été l’objet de restrictions majeures de sa liberté personnelle : il a pu se rendre en Inde, en Chine, en Amérique Latine, dans plusieurs pays de l’UE, il a conduit des délégations parlementaires… Il exerçait une activité politico-diplomatique classique au nom du KNK qui dérange beaucoup la Turquie.
Adem Uzun n’a jamais eu rien à voiravec des trafics illégaux, ce n’est pas un beau jour de 2012 qu’il commencerait à se promener à Paris à la recherche de système d’armes à transférer dans le Kurdistan irakien, en négociant tout ceci dans des cafeterias à Montparnasse. Les services français, sur demande des juges antiterroristes, décident de le surveiller davantage mais « ils ne trouvent rien », a-t-on appris de sources kurdes. « Malgré cela et l’histoire personnelle de M. Uzun témoignant de son engagement en faveur de la paix, le juge d’instruction en charge de l’affaire estime qu’il faut prendre des mesures supplémentaires. Ce n’est qu’avec une opération sécuritaire plus sophistiquée qu’une rencontre entre certains émissaires et M. Uzun est organisée, et que celle-ci est jugée suffisante pour procéder à l’arrestation du dirigeant kurde, le 6 octobre 2012, lors de son passage à Paris pour participer à une conférence à l’Assemblée Nationale sur les Kurdes de Syrie. »
La date choisie pour l’arrestation d’Adem Uzun n’est pas anodine, elle s’inscrit dans un contexte politique et diplomatique singulier. A la fin-septembre 2012, avec les investigations à Paris sur Adem Uzun encore ouvertes et dirigées par le juge antiterroriste Thierry Fragnoli, le premier ministre turc Erdogan accuse la France « de ne pas aider la Turquie à lutter contre les terroristes du PKK. Je le dis clairement, affirme Erdogan, la France ne veut pas que nous réglions ce problème et elle ne nous aide pas », des accusations adressées à l’Allemagne aussi.
POURQUOI LE JUGE SE SENT-IL VISE ?
Comment le juge Fragnoli réagit à ces déclarations, contrairement à ses collègues allemands et européens qui ne se sont pas senti remis en cause ? Le lundi 1er octobre 2012 à 09h12, il envoie un mail singulier aux fonctionnaires de l’ambassade française d’Ankara pour les inviter à réagir immédiatement : « Je ne décolère pas depuis hier », écrit le juge, « J’ai dit en termes fort peu diplomatiques à mes interlocuteurs de l’ambassade de Turquie ce que j’en pensais. Je peux vous dire qu’ils en ont pris pour leur grade. Ils sont dans leurs petits souliers et tentent de minimiser en expliquant qu’Erdogan ne parlait que des extraditions… sauf qu’il parlait en général et pas seulement des extraditions. Apres tout eux ne se gênent pas de nous engueuler copieusement quand quelque chose leurs déplait. »
Dans le même texte, publié également dans les medias turcs et qui ne s’est jamais démenti, il réjouit de spécifier que « depuis 2006 la France est le seul pays à avoir autant interpellé, jugé, condamné et emprisonné de militants du PKK », étant ce juge en charge des investigations principales contre les Kurdes. Ce message nous semble politiquement et professionnellement insoutenable. Pourquoi ce juge se sent-il « visé » ?
UN ETRANGE MAIL DU JUGE
Adem Uzun a été arrêté le 6octobre 2012 sur ordre du juge Fragnoli, quelques jours seulement après ce mail, une communication qui a été reçue en décembre 2012 par Fidan Dogan, une de trois militantes tuées à Paris le 9 janvier 2013, avant d’être transmise à l’ActuKurde. On a l’impression qu’avec l’arrestation d’Uzun on ait voulu répondre à Erdogan en s’attaquant à un autre dirigeant politique majeur des Kurdes basés en Europe : « C’est une affaire importante, car la relation entre les branches politique et logistique du PKK n’a pas encore démontrée, dans le sens où cela n’as pas encore été mené devant la justice française », précise le 6 octobre 2012 une source policière commentant l’interpellation d’Uzun, une approche parfaitement en ligne avec les accusations infondées du Trésor américain et celles des autorités turques.
Le Canard Enchaînée, dans son édition du 19 décembre 2012, s’exprime sur le sujet : l’hebdomadaire français, dans un article titré « Le juge terrorise l’ambassade », rappelle qu’il n’est ni Ministre des Affaires Étrangères, ni l’Ambassadeur, ni diplomate, et que son travail exige une impartialité indiscutable, étant donné le domaine dans lequel il exerce sa profession. Des déclarations du juge Fragnoli y sont aussi ajoutées, qui admet que son initiative ait pu surprendre.
LIENS AVEC LE NEGATIONNISTE MAXIME GAUIN
Mais il y a un autre aspect dans ce mail que la presse n’a pas pu ou su mettre en évidence. Deux heures après sa transmission aux fonctionnaires de l’Ambassade de France en Turquie, ce même texte a été envoyé en copie à 11h32 du 1er Octobre 2012 à Maxime Gauin, accompagné par les mots amicales suivantes : « Bien à toi ». A moins qu’il s’agisse d’un cas flagrant d’homonymie ou d’un faux retentissant -mais on ne voit pas pourquoi la première partie du texte est vraie et ne devrait pas l’être la seconde- Maxime Gauin est un étudiant français en poste à Ankara, en contact avec des think-tank turcs le plus controversées, dirigé par l’ancien ambassadeur Özdem Sanberk, l’International Strategic Research Organization (USAK-ISRO, Ankara), et qui anime le site « Turquie News » très apprécié par les « négationnistes ». C’est un site ouvertement « anti »-antikurde et anti-arménien, qui parle à la communauté turque nationaliste de France. Maxime Gauin se présente comme un chercheur et n’hésite pas à commenter systématiquement les articles critiquant les violations des droits de l’humain en Turquie, en rapport avec la question kurde et du génocide arménien, harcelant même ses détracteurs.
Selon certaines sources, cet animateur serait aussi à l’origine d’un faux rapport de la « Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) » français sur « Les mouvements nationalistes turcs en France » qui a été l’objet de plusieurs polémiques, y compris en Turquie (fait extrêmement troublant, le faux rapport de la DCRI a été publié aux Etats-Unis sous le pseudo de Ogun Samast, l’assassin du journaliste Hrant Dink », et qu’en réalité viserait la communauté arménienne de France. Présenté dans le rapport comme « un informateur de la DCRI », sans jamais citer le nom, cet étudiant, utilisé par les autorités turques comme « la voix française » qui conteste les positions officielles de Paris sur le génocide arménien et qu’à ce titre est invité à plusieurs conférences ici et là en Turquie, ne fait que polariser les communautés de la région qui vivent en France. Au contraire, la Turquie aurait plutôt besoin de pacificateurs, d’intellectuels qui travaillent à la réconciliation entre toutes les communautés qui y vivent : avec Maxime Gauin on est bien loin de tout cela. Pourquoi un juge antiterroriste français échange ces informations avec un tel milieu ? Le juge Fragnoli doit connaitre, pour raisons purement professionnelles, les activités de Maxime Gauin, il est certainement a connaissance de la controverse qui les entourent. Pourquoi être en contact professionnel avec un animateur d’une radio présente en France sous l’acronyme « MIT », la même que le principale agence turque de services secrets ?
UNE AFFAIRE D’ETAT
L’arrestation d’Adem Uzun s’est donc produite dans un contexte qui pose des questions. A la lumière de l’expérience dans des cas semblables, il s’avère nécessaire aussi d’investiguer sur des possibles interférences sur le dossier. Sommes-nous sûrs que les services d’autres pays n’ont rien à voir avec tout cela ? On a le droit de s’interroger, les Ministres Christiane Taubira et Manuel Valls devraient y regarder de près. Le moins qu’on puisse dire est que «l’affaire Adem Uzun » ressemble à un affaire d’Etat.
« Dans cette situation, il n’est pas acceptable qu’un dirigeant kurde travaillant pour la paix et le dialogue en fasse les frais, il faut le libérer, notamment au moment où le premier ministre turc Erdogan négocie directement avec « le chef suprême des terroristes du PKK », Abdullah Ocalan, emprisonné sur l’ile d’Imrali depuis 1999 » fustige un dirigeant kurde, en gardant l’anonymat.
LES 17 KURDES ARRETES POUR OBTENIR LA LIBERATION DE SEVIL SEVIMLI ?
Un deuxième exemple de Kurdes utilisés comme monnaie d’échange concerne le développement récent des relations bilatérales et, indirectement, le dossier de l’étudiante franco-kurde Sevil Sevimli. Le sort judiciaire réservé en Turquie a cette étudiante est simplement inacceptable : le 15 février 2012 elle a été condamnée à cinq ans et deux mois de prison pour des liens avec un parti interdit « d’extrême gauche », mais elle a été autorisée à regagner la France en attente de l’appel présente contre cette délibération. Trois jours auparavant, le 12 février 2012, dix-sept Kurdes ont été interpellés en France pour « associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste » et « financement du terrorisme », au moment exacte de la rencontre à Paris entre le Ministre des Affaires Etrangères français, Laurent Fabius, et son homologue turc, Ahmet Davutoglu, qui ont discuté entre autre du dossier Sevimli. Faut-il s’accréditer auprès des autorités turques en visite à Paris en interpellant des Kurdes pour montrer « la bonne volonté » de la France vis-à-vis de la Turquie ? Faut-il arrêter des Kurdes pour satisfaire Davutoglu, et obtenir peut-être un infléchissement des autorités turques sur le cas de Mme Sevimli, très injustement accusée et condamnée, heureusement rentrée en France, le 20 février ? Limitons-nous à prendre notre que le 18 février 2012 onze des dix-sept Kurdes ont été mise en examen et différés a la justice.
ACCORD SECURITAIRE ANTI-KURDE
Un troisième exemple concerne la ratification d’un « accord de coopération de dans le domaine de la sécurité intérieure » entre la France et la Turquie, signé le 7 octobre 2011 sous la présidence de Sarkozy, que le gouvernement de Jean Marc Ayrault a bien voulu envoyer au parlement français le 1er aout 2012. Déjà une alliée fidèle sur la question kurde et le conflit syrien, la France souhaite relancer les relations politiques bilatérales avec la Turquie, notamment dans le cadre des négociations pour l’adhésion d’Ankara à l’Union Européenne. Quoi de mieux que ratifier un accord qui présente des énormes lacunes en termes de droits de l’homme et libertés fondamentales ? Il faut noter que l’accord ne donne aucune définition, il ne liste pas les actes considérés comme terroristes, il n’exclut pas expressément l’échange de données à caractère personnel, il prévoit notamment une coopération policière en matière de «gestion démocratique des foules » sans en définir les limites. L’objectif manifeste de cet accord est la restriction des activités des Kurdes basés en France, ainsi que de leurs organisations. La différence d’approche sur la question entre Sarkozy/Guéant et Hollande/Valls semble inexistante : ces derniers auraient dû au contraire marquer « leur différence » en renégociant cet accord. Désormais soumis au vote des parlementaires, le texte cautionne surtout la politique turque en matière de terrorisme, au moment où celle-ci est âprement contestée par la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil de l’Europe, la Cour européenne des Droits de l’Homme…
Finalement, qui détermine réellement la politique antiterroriste française dans son chapitre turco-kurde ? Est-ce que cette politique a un fondement précis quant à la potentielle menace sécuritaire représentée par les Kurdes en France, ou réponde-t-elle plutôt à des exigences politiques et diplomatiques ? Est-ce que l’appareil judiciaire et d’investigation antiterroriste français fourni toutes les garanties professionnelles et d’analyses indépendantes pour garantir l’exercice impartiale, libre d’interférences ? La réponse à ces questions majeures est encore plus importante à la lumière des investigations en cours sur l’exécution sommaire de trois femmes et militantes kurdes à Paris en janvier 2013. Tout d’abord, on a voulu faire croire que l’auteur présumé des faits, Ömer Güney, était un kurde et qu’il s’agissait d’un règlement de compte « interne au PKK ». Plus récemment, des articles se multiplient dans la presse française pour dire qu’il s’agit d’un acte isolé commis par un jeune psychologiquement instable et atteint d’un cancer au cerveau. Sauf que le principal accusé a des liens désormais bien établis avec les parties les plus obscures des services de sécurité turcs, qu’il a été à plusieurs reprises en Turquie au cours de l’année 2012, qu’il a pu entrer et sortir de son pays sans aucune difficulté malgré le fait que ses services connaissaient ses activités soi-disant « pro-kurdes » à Paris. Tous les indices concernant Ömer Güney mènent à des forces obscures. La découverte de toute la vérité sur le massacre de Paris est désormais un défi majeur pour les autorités françaises. De l’établissement de cette vérité, judiciaire et politique, dépend la crédibilité de la France entière. En assurant la vérité dans l’affaire d’Adem Uzun et de trois militantes exécutées, et en prenant une position en faveur d’une solution politique et démocratique à la question kurde, la France pourra également gagner la confiance du peuple kurde qui est aujourd’hui une force incontournable au Moyen-Orient.
Par Maxime Azadi